Nos Hibernations

Nos Hibernations.



Combien de ces hibernations déjà vécues?
Ces enfouissements en nébuleuses chrysalides,
Lentes étales d'entre marée aux doigts humides,
Glissant, serpents, aux alcôves des attributs.

Le quai défait au lac gelé
De nos enfances en allées.
Dormir il faut, dormir longtemps
Sous la glace épaisse du temps.

Déconstruction inversée de l'identité
Reconstruction à zéro de notre entité.
Décalage entre un invraisemblable réel
Et un toujours plus vain et probable irréel.

J'hibernais en spasmes secoués
De tous nos amours avoués avortés
En coulée de sperme nacré
Sur les cuisses d'hiver glacé.

Sortie du corps sans un regard, sans même remord :
Hibernation dans les silences absolus
De cette métamorphose de notre mort.
Si longue dormance en cet hiver de l'inconnu.

Les eaux bouillonnent sous la glace
Et nous entraînent en leur masse.
Renaissance de ce temps donné
Si loin du corps déraciné.

Engourdissement d'une si longue éternité,
Cette dormance en notre état d'humanité.
Engourdissement d'un bref moment d'une existence
Où quelque chose gruge et ronde la béance

De notre crâne en labyrinthique étalage.
S'endormir, toujours s'endormir en négation.
Fuir, toujours fuir l'éternelle interrogation
De ce si incompréhensible recyclage

Voyage astral, voyage d'ailleurs,
Long cordon aux grandes spirales
Dans les rafales sépulcrales.
J'entends les corbeaux aboyeurs!

Dérive insensée en un univers fini,
En un monde qui serait peut-être infini.
Qui donc sont les maîtres de cet apprentissage
Qui projettent nos âmes dans ce déphasage?

Sur le corps le vent en furie
Use et râpe de notre enveloppe
Tous les os glacés qu'il varlope :
Sombre harpie de la poudrerie.

Que faisons nous derrière l'absurde miroir
De cette temporalité métronomique
Qui nous balance en ces pantins tragi-comiques
Entre la pouponnière et le dernier mouroir.

Dérive fantasmagorique
Aux canaux gelés des Venise,
Dans l'ombre avalée des églises
Phallocrates et cadavériques.

Chute inconsciente du moi en un dédoublement :
Vertige, impression de chute et de flottement,
Ralentissement du cœur, température en baisse,
De sourds grondements issus d'une purée épaisse.

Hibernation dans la mouillure
Que souille le déraisonnable.
Stagnation dans cette souillure
De la raison ingouvernable.

Immersion en une énergie environnante
En cette ivresse qui nous secoue étonnante.
Accélération de la poussée du vécu
En vibrations intenses des sous-entendus.

Le quai défait au lac gelé
De nos enfances en allées.
Dormir il faut, dormir longtemps
Sous la glace épaisse du temps.

Combien de ces hibernations déjà vécues?
Ces enfouissements en nébuleuses chrysalides,
Lentes étales d'entre marée aux doigts humides,
Glissant, serpents, aux alcôves des attributs.