La Neige Tombee

La neige tombée


La neige tombée a figé
Tous ces rêves qu'elle a fait naître
Et les larmes qui ont coulé
Sont emprisonnées dans le givre.

Le matin nouveau est si froid
De cette absence qui le mord.
La nuit tourne le dos, rebelle,
Le jour est de mauvaise humeur.

Sur le sentier d'absurdité
De notre temps désassemblé,
Nos pieds glacés n'avancent plus
Sous le poids de notre squelette.

Et dans notre tête de verre
Fouettée par un vent si cruel,
Les remords y grugent ce vide
Qui a germé de la mémoire,

Celle qui fût jadis perdue,
Celle de vous m'abandonnant
Au triste sort de cette mort
Qui suce infiniment la vie.

Me voilà donc en ces arrêts
De la déraison imposée.
Ma faute, qu'encore j'avoue,
Est de vous avoir trop aimée.

Mais, c'était là, si bel été!
Ivresse douce en la forêt
Auréolant d'une prière
L'apparition de vous, madone.

Succombant à la tentation,
Le temps s'était com' arrêté.
Vous étiez alors l'univers
Dans l'expansion de la beauté.

Unis dans notre intimité,
Nous avons mouillé les jours
De la semence des amours,
Si insouciants des lendemains.

Et puis, un jour ou une nuit,
En un peu de temps d'un hier,
Le ciel, changé, rompait la glace
De ce si beau miroir béni.

L'instant déjà vous effaçait,
À peine bribes d'un contour,
Et puis rien d'autre que l'écho
Affaibli d'une rémanence.

Ce n'était plus ce bel été,
Celui de nos si beaux amours.
Déjà, tant de feuilles tombées
Se recroquevillent en peine.

Tous les bleus ciels s'en sont allés
Par sombres marées repoussés.
De noirs corbeaux rôdent là-haut
Assassinant tous les espoirs.

Les arbres fouettent jusqu'au sang
L'idée même d'un retour
À ces jours hélas révolus.
Tout n'est plus que ce noir exode.

La neige tombée a figé
Tous ces rêves qu'elle a fait naître
Et les larmes qui ont coulé
Sont emprisonnées dans le givre.