D'Etonnements en Habitudes

D'étonnements en habitudes.


Nous étonnera toujours, ce qui est plus grand que nous,
Ce qui est plus fort, plus fou ou plus étrange que tout,
La démesure qui secoue les fondements de la raison.

N'est-il pas étonné celui qui voit soudain survenir
Devant lui le mur sombre et mortel d'un vaste tsunami,
Tel un dieu dressé et courroucé lui annonçant sa fin.

Le visage ébahi de la fille que l'amant étrangle,
Son cerveau disjonctant entre joie et incompréhension,
Leurs chairs moites parcourues des ondes d'un dernier orgasme.

Ce camionneur sidéré de voir venir cette auto
Droit sur lui avec ce papa qui regarde droit vers lui
Entraînant sa petite famille dans ce baiser mortel.

Le visage si étonnamment serein de ce prisonnier
Que son tortionnaire égorge lentement de son couteau,
Le sang qui se répand comme celui des agneaux sacrifiés.

La docilité tranquille de ces condamnés, qu'on aligne
Le long de fausses fraîches garnies de précédents cadavres,
Attendant à tour de rôle cette balle dans leur nuque.

Tous ces étonnements ne durent-ils pas figés éternellement
Comme ce long cri aux couleurs psychédéliques d'Edvard Munch,
Un long et infini cri qui n'en finit plus de passer.

Et quand donc s'habitue-t-on à la mort et à la donner?
À empiler des cadavres comme du petit bois qu'on corde?
À ouvrir le ventre des mères pour clouer les fœtus?

L'Église, respectueuse de la présence de Dieu
En chacune de ces vies qu'il crée, n'a-t-elle pas immolé
Sur ses bûchers autant d'innocents qu'elle a pu se farcir.

De tout temps, nos grands hommes, qui sont collectionneurs d'argent,
De gloire, d'or et de toutes les richesses de ce monde,
Ont été très surpris qu'on les accuse de tant de maux.

Est-ce donc parce qu'ils enlèvent la nourriture aux enfants
Qu'ils sont, sans preuves, ni témoins, responsables de leur mort?
Et que ces petits cadavres leur servent déjà d'engrais?

Qui s'étonnera que la légalité soit la morale
De tant de sociétés aussi injustes que malhonnêtes?
Ni les riches profiteurs, ni les pauvres qui n'ont pas voix.

Et puis dans le grand maelstrom qu'est l'internet où tout s'embourbe,
Bientôt plus rien ne pourra ni étonner, ni dégoûter,
L'habitude de tout étalant tout en un grand néant.

Tel ce tsunami, avançant en poussées irrésistibles,
Brisant, broyant et amalgamant tout en sa propre force
Qui s'en gonfle plus obscure et plus destructrice que jamais.

Nous étonnerons-nous toujours de ce qui est plus que nous?
Ce qui est plus fort, plus fou ou plus étrange que tout?
La démesure qui secoue les fondements de la raison?