Artiste et funambule

Artiste et funambule.




Funambule sur le fil tendu
De ce qui est dit, ce qui est tu.
Par moment, une émotion me penche
M’humectant jusqu’en ma pulpe blanche.

Sur le fil inanimé des pieds et des vers,
Avancer d’un pas pour que rien ne se gaspille.
Se pencher pour chercher chaque mot qu’on grappille
Encore hésitant même rendu à l’envers.

Quand le rêve en nous nous emporte tout éveillé,
Encore un peu tremblant, et un peu effrayé,
Voir le jour se lever en nudité de rose,
Avec ses lèvres bues au velouté de mauve.

Lisser de son pinceau la couleur du temps,
Étalant les tons  en harmonie pastel.
Suivre du doigt le filigrane palpitant
Pour tisser la vie en lumineuses dentelles.

Hisser les voiles de la folie,
Larguer de la raison les amarres.
Se faire mascaret ramolli
Sur les eaux stagnantes d’une mare.

Artiste pour jouer sur le beau,
Refaisant, un moment, le tableau.
S’émouvoir d’une chair irréelle,
Recrachant l’absurde sans cervelle.

La lune est rouge et sang.
La vie s’écoule et glisse
Encrant en noir les mots.
Miroir à guillotine
D’une Alice enfantine.
Parchemins abyssaux,
La peau s’assèche et plisse.
Cet ailleurs jaillissant.

Pour dresser l’émotion turgescente et charnelle,
Pétrir et masturber la plus vive sensation.
Se barbouiller en violet de ses pulsations
Et sentir se gonfler la passion éternelle.

Funambule sur le fil tendu
De ce qui est dit, ce qui est tu.
Par moment, une émotion me penche
M’humectant jusqu’en ma pulpe blanche.

Sentir le temps qui joue à nous faire frémir
De tant de ces possibles si vains à s’évanouir.
Les démons se perpétuent en ces éphémères
Coïts, y brûlant leurs ailes aux lampadaires.

Se lever dans la nuit
Aux lueurs des étoiles
Cueillir les bris de vers
Sur l’éclat d’une lame
Pour juste donner âme
Au poème d’hiver
Dans sa robe nuptiale,
Doucement et sans bruit.

Se laisser aller, sucer son pouce,
Se noyer dans ce sang du néant
Pour dire joli cet autrement
Dans le velours d’une peau si douce.

Nous rongeons nos os en un émoi
Qui brûle en son acide le moi.
Tout ce temps qui passe nous désespère
Et nous y perdons tous nos repères.

Dire la douleur du désir retroussé
Quand la peau tend cette excitation qui s’épuise.
Quand le destin nous refroidit éclaboussés
Par cette soif orgasmique qui nous aiguise.

Noyer ses yeux dans l’imperceptible inconnu
Pour qu’en jaillisse encore un peu de la semence
Enracinant en démesure la démence
S’exhibant en déshumanité mise à nu.

Dans l’inconscient, découper une ribambelle
De notre égo s’emboîtant en jolies poupées.
Mesurer ce qu’il reste à notre temps compté,
En sensuelles envolées immatérielles.

Funambule sur le fil tendu
De ce qui est dit, ce qui est tu.
Par moment, une émotion me penche
M’humectant jusqu’en ma pulpe blanche.